dimanche 30 août 2009

Petit hommage à un roi





Salut à toi vieux sage, ô berger des savanes,
Que Leconte de Lisle, en des quatrains parfaits,
Honorant et l’Afrique et ton espèce, a fait,
Au milieu du désert, mener la caravane ;

Ores je t’aperçois, de ma France romane,
Au Niokolo Koba, contempler, satisfait,
Ton vaste territoire où, noble portefaix
Du Monde, tu peux vivre ainsi que les brahmanes :

Là, sous un baobab, au-dessus des buissons,
Un soleil rougeoyant, dans un dernier frisson,
Se couche. Et l’éléphant, d’un paisible entrepas,

Déjà berce son rêve : il pense au lendemain.
Il veut partir ! Pars donc : mais ne voyage pas
Trop loin. Les braconniers sont au bout du chemin...

dimanche 23 août 2009

"C'est pourquoi, voici que moi,...



...j'envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes."

Evangile ( Mat, XXIII, 34)

mercredi 19 août 2009

In memoriam Molière

BHL- en habit d’intellectuel, FREUD -en psychiatre

FREUD
Ma foi, Monsieur, avouez que j'ai eu raison, et que nous voilà l'un et l'autre déguisés à merveille. Votre premier dessein n'était point du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous vouliez faire.

BHL
Il est vrai que te voilà bien, et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule.

FREUD
Oui, c'est l'habit d'un vieux psychiatre, qui a été laissé en gage au lieu où je l'ai pris, et il m'en a coûté de l'argent pour l'avoir. Mais savez-vous, Monsieur, que cet habit me met déjà en considération, que je suis salué des gens que je rencontre et que l'on me vient consulter ainsi qu'un habile homme?

BHL
Comment donc?

FREUD
Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies.

BHL
Tu leur as répondu que tu n'y entendais rien.

FREUD
Moi? Point du tout! J'ai voulu soutenir l'honneur de mon habit, j'ai raisonné sur le mal et leur ai fait des ordonnances à chacun.

BHL
Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés?

FREUD
Ma foi, Monsieur, j'en ai pris par où j'en ai pu attraper; j'ai fait mes ordonnances à l'aventure, et ce serait une chose plaisante si les malades guérissaient et qu'on m'en vînt remercier.

BHL
Et pourquoi non? Par quelle raison n'aurais-tu pas les mêmes privilèges qu'ont tous les autres psychiatres? Ils n'ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès, et tu peux profiter comme eux du bonheur du malade et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature.

FREUD
Comment, Monsieur vous êtes aussi impie en psychiatrie?

BHL
C'est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes.

FREUD
Quoi! Vous ne croyez pas au Valium, ni au Tranxène, ni à ma psychanalyse?

BHL
Et pourquoi veux-tu que j'y croie?

FREUD
Vous avez l'âme bien mécréante. Cependant vous voyez depuis un temps que ma psychanalyse fait grand bruit. Ses miracles ont converti les plus incrédules esprits, et il n'y a pas trois semaines que j'en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux.

BHL
Et quel?

FREUD
Il y avait un homme qui depuis six jours était en dépression, on ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien; on s'avisa à la fin de lui faire une psychanalyse.

BHL
Il réchappa, n'est-ce pas?

FREUD
Non, il mourut.

BHL
L'effet est admirable.

FREUD
Comment! Il y avait six jours entiers qu'il ne pouvait mourir, et cela le fit mourir tout d'un coup. Voulez-vous rien de plus efficace?

BHL
Tu as raison.

(Molière, Dom Juan, Acte III –scène 1)

mercredi 12 août 2009

L'hélium préfère les blondes




Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poëte un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poëtes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études ;

Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

Charles Baudelaire, La Beauté